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charme rêveur de leurs gestes indécis. A travers la fenêtre, le regard s’attardait au paysage triste et tendre des Champs-Elysées défeuillés. Du coin discret où elle s’accrochait, non loin d’un portrait de Dumas, l’image de notre oncle Sarcey semblait surveiller et protéger cet asile aimable du travail heureux.

Appuyé à la cheminée, glabre comme un acteur, chauve comme un centenaire, M. Wolff sourit.

— Je suis content, très content.

M. Wolff ne gambadait point, et ce n’était pas un rire éperdu de bonheur qui jaillissait de ses lèvres. La gloire le laissait tel qu’elle l’avait pris l’avant-veille sur le boulevard, amusant, amusé, sceptique et blagueur, le forçant seulement à montrer la sentimentale fleur bleue que cachait son cœur de Parisien. Une fumée de cigarette monta dans l’air et, les mains dans les poches, sans s’emballer, M. Wolff répéta :

— Je suis content.

Et moi aussi, j’eus envie de dire la même chose, tant cette joie paisible me plaisait, mais je n’en eus pas le temps, car l’auteur du Secret de Polichinelle s’abandonnait à des souvenirs.

— Tout de même, il y a dix-sept ans qu’on a joué ma première pièce. J’avais vingt ans. Un soir, vers minuit, j’étais avec un ami dans une brasserie du boulevard. Antoine se trouvait en face de nous. « Comme je voudrais être joué chez lui ! dis-je à mon ami. — Venez, me répondit-il aussitôt, je vais vous présenter. — Ah ! c’est vous le neveu d’Al-