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de purs chefs-d’œuvre de lumière et de vie, de purs produits de la sensibilité la plus exaltée.

Les mots s’échappaient d’abord lentement, comme retenus encore au moment même où ils se pressaient au bord des lèvres. Parfois, d’un mouvement fatigué, M. Besnard portait la main à son front, puis les doigts revenaient parmi la barbe argentée. Tout de même, les phrases se suivaient nombreuses. Peu à peu le peintre ne se préoccupait plus de la façon dont il exprimerait sa pensée, et il l’exprimait avec simplicité et bonhomie, admirablement. Il n’avait pas conservé un excellent souvenir de Cabanel, dans l’atelier duquel il travaillait aux Beaux-Arts, et qui désirait fort qu’un autre de ses élèves eût le grand prix qu’il obtint en 1874. Pourquoi diable aussi M. Besnard se rendait-il à l’École vêtu d’un ulster à carreaux, et ganté de gris perle, alors que tous ses camarades et même ses maîtres affectionnaient un costume incorrect, fruste et débraillé, un vrai costume de rapin ; et pourquoi encore se plaisait-il à parler en termes décents et polis, alors que tous les autres émaillaient leurs discours des plus grossières et des plus suggestives fleurs de rhétorique ? Son séjour à la Villa Médicis ne l’avait pas non plus enchanté. Le milieu où il vivait était peu intéressant et peu profitable. Pour lui, il n’y avait pas travaillé du tout : tout au bonheur d’être libre, il s’était acheté une voiture, un cheval, et passait au grand air toutes ses journées. Et, d’ailleurs, pourquoi aurait-il travaillé ?