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Elle se tut quelques instants, puis elle poursuivit :

— Depuis une semaine à peu près les Allemands occupaient Bitche. J’étais allée acheter du lait ; chez la marchande, un soldat tournait autour d’une bonne ; à un moment il lui serre la taille, la bonne riait : « Eh quoi ! lui dis-je, vous n’avez pas honte ? est-ce que vous ne pouvez pas l’envoyer promener ? » La bonne rougissait, mais le soldat s’avança vers moi, et, son poing sous mon nez, me dit, dans un mauvais français : « Assez, assez ; nous vous avons gagné ; Bitche est à nous. » Alors, je me redressai : « Vous nous avez gagné, vous nous avez gagné… vous n’avez rien gagné du tout ; vous n’avez pas pris Bitche, vous ne l’auriez jamais pris ; on vous l’a donné. » Furieux, il leva le poing, « Si vous ne reculez pas, lui dis-je, je vous lance mon pot à lait sur la figure. » Et déjà je brandissais le pot à lait : il recula et quitta la boutique.

Brave Lorraine, quel noble sang coule dans