Page:Acker - Le Beau jardin, 1912.djvu/299

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Une autre, une grande paysanne, maigre, sèche, me disait sur le quai de la gare, sans colère, mais si étonnée, et, à y bien réfléchir, avec un peu de mépris :

— Les Français ne sont pas gentils de laisser comme ça les beaux Lorrains aux Allemands.

Que pouvais-je répondre ? J’étais accablé de honte et de peine. Sans doute, je parlais de la France, mais quand on me répartait : « Il y a quarante ans, monsieur, que nous attendons ; c’est long ! » quelle excuse aurais-je pu inventer ? Les horreurs de la guerre, l’incertitude du résultat, la ruine du pays : les Messins ne pensent pas à cela, et d’ailleurs ils ont le cœur trop haut placé pour s’en effrayer. Ce qu’ils veulent, c’est la délivrance, et cette continuelle volonté est notre condamnation à nous, qui ne les avons pas délivrés. Pendant vingt-cinq ans, l’idée de la revanche a régné absolument en France, mais depuis, quinze autres années se sont écoulées… La France n’a pas reconquis les vil-