Page:Acker - Le Beau jardin, 1912.djvu/294

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

feld-maréchal de Haesseler apparaissait, suivi de son état-major. En uniforme de uhlan, voûté, cassé, ridé comme une femme centenaire, mais admirablement assis en selle, il avançait au pas, la bouche dédaigneuse, le poing sur la hanche, quand il ne saluait pas d’un geste rapide, et tous, subitement levés, leurs verres et leurs saucisses à la main, l’acclamaient de retentissants hurrahs, guerriers en bombance qui saluent le chef de guerre. Ainsi chaque minute me déchirait, mais quelle flamme sacrée attisait encore ma haine ! Pourtant, un jour, le courage m’a manqué. Les Allemands célébraient, à Metz, dans le jardin de l’Esplanade, autour de la statue de Guillaume Ier, un office divin. C’était une matinée charmante : le soleil perçait le ciel fragile ; une légère vapeur flottait sur la Moselle, et la campagne s’étendait, délicate, presque virginale, jusqu’aux forts. Les étendards dressés formaient à l’image du vieux souverain une garde d’honneur ; la musique jouait un air funèbre et un pasteur récitait