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son œuvre. Cet homme m’émeut infiniment. La défaite le chasse de son pays ; miné par une perpétuelle nostalgie, il erre le long de la frontière imposée au vaincu, cherchant un asile qui lui rappelle ce qu’il a laissé, puis il revient dans la ville, ne pouvant plus vivre hors de ses murs, puis il la quitte de nouveau, pour interrompre les odieuses fureurs de la diffamation, et enfin il se fixe à quinze kilomètres du premier village annexé, afin d’en être le plus près possible dans son exil : il n’y a pas de plus noble douleur que la sienne.

Une des caractéristiques de l’Alsacien, c’est qu’il aime jalousement sa terre natale : si loin que l’entraîne même une douce destinée, il n’oublie jamais l’Alsace et jamais ne se console. Erckmann était encore par là vraiment Alsacien. Mais, parce que Phalsbourg lui était plus cher que tout, on l’appelait Prussien. J’ai reçu cette injure, quand les élèves d’un collège auvergnat me traitaient de Prussien, parce que j’étais né en Alsace. Encore aujourd’hui, pour les esprits sim-