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République et à détester l’Empire conquérant. Le peuple, en même temps, les lisait, parce qu’il y sentait palpiter son âme, et qu’il s’y voyait souffrir, lutter, vivre.

Survint la guerre de 1870, puis ce fut la paix ; Phalsbourg et Soldatenthal devinrent allemands. Chatrian, qui habitait Paris, continua de l’habiter. Erckmann, qui se bornait, chaque année, à quelques semaines de séjour dans la capitale, ne sut où se fixer. Il allait, comme un égaré, à Toul, à Saint-Dié, à Lunéville, pensant obstinément à son pays perdu, à sa ville bombardée, aux forêts de sapins, aux fraîches vallées, aux ruisseaux murmurants où court la truite, aux auberges rustiques dont les propriétaires montrent encore sa photographie « dédicacée », aux amis qui étaient morts ou qui subissaient la domination allemande. Il cherchait, dans la grande patrie, une autre petite patrie, le plus près possible de la nouvelle frontière, pour que le vent lui apportât le parfum du pays.