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lettres, avait abandonné sa profession pour entrer, contre le gré de ses parents, au collège de Phalsbourg, comme maître d’études.

On imagine ce que fut la rencontre d’Erckmann et de Chatrian, cette rencontre d’où l’amitié devait naître avec la collaboration. Erckmann compte vingt-cinq ans, Chatrian vingt et un : l’âge des longs espoirs et des frémissantes ambitions. Tous deux, ils ont vécu leur première jeunesse à écouter les récits des vieux soldats, récits de victoires et de défaites, récits de conquêtes et d’invasions, et ces remparts, ces bastions, ces casemates que les boulets ont crevés, leur parlent de la guerre, des armées de la République et de l’Empire, de l’illuminisme révoutionnaire, de la fièvre impériale, du désastre qui l’abat : chaque maison leur raconte une belle histoire et leur montre un humble héros. Tous deux, ils ont vécu leur première jeunesse à se promener dans les montagnes que dominent les ruines féodales, dans les forêts de sapins, de chênes, de pins et d’ormes où bondit le che-