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LA TERRE D’ALSACE

mystère, pleine de silence et pleine de murmures, pleine d’ombre et pleine de clarté, et le large bruit de la mer roule au faîte de ses arbres. Dans la plaine, à Haguenau, elle s’appelle la Forêt Sainte. Les anciennes tribus y sacrifiaient dans son obscurité à leurs idoles et les ermites chrétiens y priaient Dieu dans l’extase. La tradition place près d’un vieux chêne énorme, foudroyé, et qui meurt, la cellule de saint Arbogaste. Sur la montagne, elle dresse les ruines des châteaux féodaux, demeures des seigneurs à la fois pillards, constructeurs de couvents, grands chasseurs, et défenseurs du faible, et elle raconte cent histoires d’amour, cent histoires de guerre, cent légendes. Le bûcheron y vit sous un toit d’écorces, le schlitteur y fait glisser son périlleux traîneau, et le maître marcaire, coiffé d’une calotte en cuir, y fabrique ses fromages ; ses ruisseaux activent des scieries et des forges. Elle porte les grands sommets religieux, Sainte-Odile et les Trois-Épis, qui veillent sur l’Alsace et d’où s’élèvent vers