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JULES RENARD

lourdement, grossièrement, effarant un chat qui dormait et s’enfuit, les lèvres retroussées : kchi, kchi. Et vite, vite, comme s’il avait peur d’arriver en retard, baissant le nez, il dévida tout de même quelques phrases.

« Je suis un pauvre petit jeune homme de lettres, monsieur, et je viens vous voir parce que, paraît-il, il faut aller voir ceux qui écrivent et sont nos aînés, et j’avais envie de vous dire beaucoup de choses, et je ne trouve plus rien. Je suis un pauvre petit jeune homme de lettres, imberbe et point méchant, et je vous prie de me prendre en pitié. »

Il s’arrêta pour souffler, car vraiment il avait parlé sans respirer, et ses tempes battaient.

M. J. Renard daigna sourire. Sans doute le métier de littérateur, pensait-il, devenait un martyre en miniature, puisqu’il fallait subir, par amour des belles-lettres, tant de visites, et de si ennuyeuses, comme celle-ci, et peut-être se vit-il, lui aussi, forcé de tenir séance, une fois par semaine, de cinq à sept, pour offrir du thé et des gâteaux à ces tendres