Page:Acker - Humour et humoristes, 1899.djvu/72

Cette page a été validée par deux contributeurs.
58
HUMOUR ET HUMORISTES

« Mais si peut-être — car il était aimable — il riait de vos plaisantes attaques contre quelques institutions de notre France, le comique de vos peintures militaires n’amenait pas sur ses lèvres le plus léger sourire. Que de fois des pleurs ont mouillé ses yeux : il sentait toute la puissance de votre talent, il regrettait que vous l’employiez à ridiculiser cette chose sacrée : l’armée.

« Ah ! l’armée, il la chérissait, en vieux grognard chevronné et balafré. Quand un régiment passait, musique en tête, son âme s’enthousiasmait et bondissait, accompagnant de ses battements fous les roulements des tambours et les sonneries des clairons. Cet homme qui ne porta jamais un képi et ne vêtit jamais un pantalon garance, s’en consolait par le bonnet à poil qui emplissait son cœur.

« Est-ce un rêve ? Je le vois au 5e chasseurs. Il ne hait pas l’adjudant Flick, il devine en lui un vieux brave, un peu maniaque, un peu aigri, et il songe que plus tard, quand il sera académicien, il lui fera offrir, au jour sinistre de la retraite, un fructueux bureau de tabac.