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HUMOUR ET HUMORISTES

qu’entraînait la caresse du vent. Des canards barbotaient dans l’eau du bassin, avec régularité, en personnes sérieuses qui accomplissent un obligatoire métier. Et M. Veber trouva ce paysage mélancolique en accord parfait avec son âme. Tout près, Saint-Augustin dressait sa masse blanche et austère. En se penchant, il voyait s’ébranler l’illustre omnibus Panthéon-Courcelles, et parfois des sonneries guerrières, venues de la caserne voisine, frappaient ses oreilles. Les nourrices alors et les bonnes, qui d’un œil paresseux surveillaient les bébés, écoutaient, rouges d’admiration, en levant la tête, et un vieil invalide, qui lisait le « Petit Journal », marquait la mesure de sa jambe de bois. Enveloppés dans de grands manteaux, des ecclésiastiques passaient, rapides et discrets.

M. Pierre Veber éprouvait de la peine, car depuis la veille il n’avait rencontré personne à qui il eût pu dire quelque rosserie. Du bout de sa canne, il se distrayait à tracer des ronds défectueux sur le sable et à frapper des cailloux innocents. Et il songeait aussi à sa vie