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était sa pensée. S’il l’eût fait, il aurait vu que ce n’était pas seulement les yeux de Bella qui cherchaient les doux rayons du soleil de mai, et que son cœur commençait aussi à se tourner vers le soleil de l’amour. Il ne connaissait pas cette puissance du printemps qui vient murmurer à chaque fenêtre :

— Jeune fille, regarde ; vois celui-là, comme il est beau !

Elle aussi, avait entendu la voix du printemps ; elle quittait sans cesse son travail pour aller à la fenêtre, et voilà pourquoi il s’était opéré en elle depuis deux jours un changement tout naturel. Elle profitait de l’absence du petit pour aller dans sa chambre, qui donnait sur la rue. En soulevant un peu la tapisserie qui fermait la fenêtre, elle regardait sur la place. Un jour elle vit l’archiduc passer à cheval avec sa suite ; aussitôt un coup violent, comme celui qu’elle ressentit sur la montagne, mais rapide comme la foudre, vint éclaircir tous ses souvenirs ; tout ce qu’elle avait ressenti pour lui, avant l’opération magique de la montagne, un regard de ses yeux charmants le lui avait rappelé. Lorsqu’elle ne put plus le voir, elle se cacha la tête dans les mains, et se mit à pleurer en se plaignant que tout ce qu’elle voyait, tout ce qui l’entourait lui était odieux ; et Braka, qui était