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ACHIM D’ARNIM




Achim d’Arnim n’est guère connu en France que par les appréciations que lui ont consacrées Henri Heine et Henri Blaze dans leurs travaux sur les écrivains de l’Allemagne ; aucune traduction complète d’une de ses œuvres n’a été, que nous sachions, risquée jusqu’à présent. L’on s’est borné à des analyses et à des citations fragmentaires ; rien ne diffère plus en effet du génie français que le génie d’Achim d’Arnim, si profondément allemand et romantique dans toutes les acceptions qu’on peut donner à ce mot. Écrivain fantastique, il n’a pas cette netteté à la Callot d’Hoffmann qui dessine d’une pointe vive des silhouettes extravagantes et bizarres, mais d’un contour précis comme les Tartaglia, les Sconronconcolo, les Brighella, les Scaramouches, les Pantalons, les Truffaldins et autres personnages grotesques ; il procède plutôt à la manière de Goya, l’auteur des Caprichos ; il couvre une planche de noir, et, par quelques touches de lumière habilement distribuées, il ébauche au milieu de cet amas de ténèbres des groupes à peine indiqués, des figures dont le côté éclairé se détache seul, et dont l’autre se perd confusément dans l’ombre ; des physionomies étranges gardant un sérieux intense, des têtes d’un charme morbide et d’une grâce morte, des masques ricaneurs à la gaieté inquiétante, vous regardent, vous sourient et vous raillent du fond de cette nuit mêlée de vagues lueurs. Dès que vous avez mis le pied sur le seuil de ce monde mystérieux, vous êtes saisi d’un singulier ma-