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Peu-d’Ours a jeté tout cela dans le poêle, mais ne t’en fâche pas, je t’en prie.

— Ainsi, il faut que je laisse ce qui m’a tant amusée ?

— Oui, chère fille, dit la vieille en l’embrassant. Voilà déjà deux semaines que je voulais te le dire : tu es grande maintenant ; d’un jour à l’autre tu peux te marier ; ton sein se gonfle comme un fruit qui sort du bouton.

— Vieille, es-tu folle, dit Bella étonnée.

— Ah ! laisse-moi dire, il fait nuit, et lorsque je ne me vois pas, je peux oublier encore une fois que j’ai traîné par tout le monde, ramassant les ordures, et que je suis et serai toujours une sale et horrible vieille. Moi aussi j’ai été jeune et jolie, et je chantais et je faisais des chansons avec nos beaux jeunes gens, et maintenant que je te vois, toi, jeune et jolie aussi, ne sachant rien, ne te connaissant pas toi-même, je rêve au bonheur, aux joies que tu devrais goûter. Te voilà une grande fille ; toutes les jouissances, tous les plaisirs te sont ouverts. Tu regardes un homme, les autres en sont jaloux ; tu lui tends la main, il balbutie, il se trouble, il devient fou ; tu jettes un regard à un cavalier, un regard à un autre, ils vont se battre, ils comptent pour rien leur sang, quand c’est pour toi qu’ils le versent.