Il arriva que le pape, cet homme habile qui conduit toute la chrétienté avec des images, passât par les Grisons, revenant du concile ; le génie vint alors et peignit dans la chambre du lansquenet les portraits des hommes les plus célèbres de la terre, de ceux qui avaient vécu et de ceux qui devaient exister dans la suite ; il avait même peint l’Antechrist et le Jugement dernier. Cela surprit fort l’aubergiste ; ce qui ne l’empêcha pas, la nuit où devait arriver le pape, de faire sortir le lansquenet de la chambre et de l’envoyer coucher à l’écurie ; puis il mena le pape dans la chambre si bien peinte par Peau-d’Ours.
Le lendemain, lorsque le pape se réveilla, la première chose qu’il fit fut de s’informer du peintre admirable qui avait si habilement orné cette salle.
L’hôtelier lui raconta tout ce qu’il savait sur l’artiste, et fut obligé de l’amener. Le pape le complimenta, et lui demanda qui il était ; le lansquenet lui répondit qu’il s’appelait Peau-d’Ours. Puis il lui demanda si c’était bien lui qui avait fait ces superbes peintures.
— Qui donc serait-ce alors ? répondit le lansquenet.
Le pape lui donna alors les plus grands éloges, et le proclama le plus grand peintre de la terre ; il lui dit qu’il avait trois filles naturelles qu’il aimait beau-