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tion qui, pour la première fois peut-être, se trouvait satisfaite dans Bella : regardée par les bohémiens comme un être d’un rang supérieur, elle s’était toujours considérée comme telle. L’apparition du prince l’avait tellement frappée, et elle l’avait vu avec une âme si pure, qu’aucune arrière-pensée n’eût pu s’éveiller en elle.

Chez cette jeune fille doit couver un courage surhumain.

Il faut au milieu de la nuit emmener un chien noir, aller sous un gibet où un pendu innocent ait laissé tomber ses larmes sur le gazon ; arrivé là, on doit se boucher soigneusement les oreilles avec du coton, et promener ses mains par terre, jusqu’à ce qu’on trouve la racine ; et malgré les cris de cette racine, qui n’est pas un végétal, mais qui est née des pleurs du malheureux, on se dépouille la tête, on fait de ses cheveux une corde dont on entoure la racine ; on attache le chien noir à l’autre extrémité ; on s’éloigne alors, de manière que le chien voulant vous suivre arrache la racine de terre et se trouve renversé par une secousse foudroyante. Dans cet instant, si l’on ne s’est pas bien bouché les oreilles, on risque de devenir fou d’effroi.

Bella était peut-être la seule depuis bien des années,