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çait à s’impatienter et à faire mille suppositions dans la foule, parce que la fiancée se faisait attendre plus qu’il ne fallait. Enfin une femme arriva les mains jointes, qui cria durement :

— Esther est morte !

Les cymbales et les tambours se turent. Les enfants laissèrent tomber le dais. Le taureau furieux poussa un terrible mugissement. L’héritier du Majorat seul, tandis que tous couraient voir ce qui s’était passé, resta au coin de sa fenêtre jusqu’au moment où les pigeons rentrèrent et vinrent voltiger autour de sa fenêtre. La vieille gouvernante dit alors :

— Tiens ! ils en ont ramené un ; qui sait à quel malheureux il a appartenu et combien on va le regretter.

— C’est elle ! s’écria l’héritier du majorat, c’est la céleste colombe, et je ne la pleurerai pas longtemps.

Il se retira dans son cabinet et eut le courage de regarder vers la fenêtre d’Esther. Tout le monde s’était déjà sauvé de la chambre par crainte d’un mort. Le fiancé déchirait ses vêtements devant la maison et s’abandonnait à toutes les extravagances de la douleur, tandis que les vieilles parlaient de la succession.

Elle était étendue sur son lit, sa tête penchait un peu en dehors, ses cheveux dénoués pendaient sur le