ranger ses cheveux. Puis elle tendit le miroir à la jeune fille qui dit avec tristesse :
— Dieu comme je suis pâle ! N’aurai-je donc pas le temps d’être pâle quand je serai morte ? Tu dis qu’il faut que je me farde ? Non, car je ne plairais pas à l’héritier du Majorat qui, lui aussi, est pâle comme moi, bon comme moi, malheureux comme moi ; s’il ne vient pas aujourd’hui, je m’ennuierai malgré toute ma société.
Bientôt tout fut disposé dans la chambre ; Esther, fort élégamment vêtue, jeta quelques livres sur le sofa, et salua en anglais le premier néant auquel elle ouvrit la porte. À peine se fut-elle répondu dans la même langue au nom du nouveau venu, qu’il se dressa devant elle un Anglais triste et long avec cet air de liberté et d’aisance qui les distinguait alors d’entre toutes les nations de l’Europe.
La table se garnit bientôt de personnages de la même espèce, Français, Polonais, Italiens ; il y avait aussi un philosophe kantiste, un prince allemand, qui s’était fait maître de poste, un jeune théologien illuminé, et quelques seigneurs de passage dans la ville, Elle était intarissable et s’adressait à chacun dans sa langue. La discussion s’engagea sur les affaires de la France. Le kantiste démontrait, le Français