Page:Achim von Arnim - Contes bizarres, Lévy frères, 1856.djvu/285

Cette page a été validée par deux contributeurs.

se répandait même sur ses lèvres d’une finesse exquise, comme un funeste brouillard de printemps. Ses yeux paraissaient trop faibles pour supporter la lumière, et se refermaient involontairement comme les pétales des fleurs qui, le soir, se contractent autour du calice.

Pendant qu’elle déroulait avec complaisance plusieurs pièces de soie, le lieutenant cherchait assez maladroitement à la consoler, en lui assurant que sa belle-mère ne tarderait pas à mourir.

— Je lui souhaite une longue vie, répondit l’excellente fille ; elle a des enfants qui ont besoin d’elle. Peut-on savoir qui boira avant l’autre l’amère liqueur que nous apporte l’ange de la mort. Je me sens aujourd’hui faible et j’ai les nerfs agacés.

Si l’héritier du Majorat ne crut pas voir l’ange de la mort, il crut bien entendre le battement de ses ailes.

— Comme ses ailes battent avec un bruit effrayant, s’écria-t-il.

C’était Esther qui poussait violemment une porte laissée ouverte par son petit frère.

Le jeune héritier fit choix de l’étoffe, mais demanda une couleur qui ne se trouvait pas dans le magasin. Esther alla dans l’autre boutique trouver sa