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statue de la Nuit tenant sur son sein le petit enfant Sommeil.

Après avoir erré dans la chambre jusqu’à minuit, comme si elle eût voulu chasser les tristes pensées et les inquiétudes de son fils, l’apparition franchit la rue et vint se placer en face de l’héritier du Majorat, qui reconnut dans la figure brillante les traits d’Esther ; cette dernière poussa un cri qui le tira brusquement de son étonnement. Ce cri l’avait arraché de sa contemplation, et l’avait ramené brusquement du noyau à l’écorce ; jamais un si étrange spectacle ne se représenta à ses yeux.

Esther n’était plus dans son lit, l’obscurité régnait dans sa chambre ; on n’entendait d’autre bruit dans la rue que le frottement des rats qui s’ébattaient au bord des égouts ; la vieille Vasthi, coiffée d’un antique bonnet fourré, se mit à la fenêtre en toussant, lorsqu’un taureau apparut poussant un gémissement terrible.

À ce mugissement, l’héritier du Majorat courut à une fenêtre de derrière, et aux premières lueurs de la lune il aperçut dans un pré, entouré de tous côtés de pierres tumulaires, un taureau d’une hauteur et d’une grosseur extrêmes, qui fouillait le pied d’une tombe, tandis que deux boucs se livraient à des sauts étranges, comme s’ils eussent été étonnés de ce