Après le souper, le lieutenant prit congé de son cousin en lui souhaitant une bonne nuit ; la gouvernante alla se coucher à son tour, tandis que l’héritier du Majorat se mit à éclairer à giorno son immense chambre, de manière à pouvoir lire ses livres et ses manuscrits en se promenant, et à pouvoir écrire facilement son journal, l’occupation principale de sa vie.
Cette brillante illumination était un événement extraordinaire pour les habitants du voisinage ; c’était certes la première fois que cela arrivait ; aussi, connaissant la parcimonie du lieutenant, ils crurent que le feu était chez lui. Mais lorsqu’ils arrivèrent devant la maison, et qu’ils entendirent les sons plaintifs d’une flûte qui s’échappaient par la fenêtre restée ouverte, leur inquiétude se calma, et ils se réjouirent de ce nouvel éclairage qui leur permettait de voir où ils marchaient dans leur affreuse rue. Le joueur de flûte était bien l’héritier du Majorat ; mais la musique s’adressait uniquement à Esther, qu’à la faveur de la fenêtre du cabinet il avait vue se déshabiller, et qui couverte d’un léger peignoir, arrangeait ses longs cheveux devant une élégante glace.
Les maisons de cette rue étaient construites de telle façon que chaque étage empiétait un peu sur celui qui lui était inférieur, sans doute pour gagner de la