chambre du côté de la rue des Juifs, en disant qu’il ferait remplacer la fenêtre desséchée par le soleil, par une autre ayant des vitres plus grandes et plus claires.
— Mon cher cousin, s’écria l’héritier du Majorat, ces vitres troubles sont ravissantes ! Car, voyez, par cette petite place propre, je plonge sans être vu dans la chambre d’une jeune fille dont l’air et les mouvements me rappellent ma mère.
— Eh ! reprit tranquillement le cousin en se penchant vers la fenêtre, et en lui frappant sur l’épaule, vous avez de la chance !
— Moi, de la chance, répliqua l’héritier tout saisi.
— De la chance, ou ce qu’il vous plaira ; le fait est qu’elle s’appelle Esther ; c’est une Juive bien née ; avec son père, riche marchand de chevaux, elle a parcouru bien des villes, vu bien de nobles personnages ; elle sait parler toutes les langues. Lorsqu’elle vint ici, sa belle-mère la reçut fort bien : et pourquoi ? parce que sa bonne mine et son éducation attiraient des acheteurs à son père. Mais il arriva que ce dernier fut ruiné par l’infidélité d’un associé ; il fallut vivre de peu ; bientôt, ne pouvant supporter cette existence, il mourut. Il avait légué à Esther, fille d’un premier mariage, un petit capital pour que sa belle-mère ne la