femme malheureuse, mais puissante, dont dépendait leur avenir. Le comte pria sa femme de décider. Elle n’hésita pas longtemps. Elle alla elle-même trouver Melück, et la pria de considérer la maison comme la sienne, et d’y venir habiter toujours, comme la plus proche parente de son mari, dont la vie était entre ses mains ; pendant qu’elle parlait, Melück examinait avec une bienveillance surprenante les traits doux et ouverts de la comtesse ; elle admirait la noblesse de cet amour qui sacrifiait jusqu’à sa jalousie, et se sentit prise d’une sincère compassion pour cette femme. Mais son dessein était arrêté ; elle monta dans la voiture de la comtesse, et toutes deux entrèrent en même temps dans la chambre du comte. Il s’était assoupi sur un livre.
À la vue de Melück, il poussa un cri ; il sentit que dans cet instant le vide de son cœur se remplissait, le monde lui parut rajeunir ; son ardeur, la vivacité de ses pensées renaissaient en lui, il venait de se réconcilier avec le sort, et l’incompréhensible malheur dont il avait été la victime, lui rendait la vie encore plus précieuse. À partir de ce jour, Melück, au grand étonnement de toute la ville, vécut dans la maison du comte, qui partit bientôt avec tout son monde pour une campagne à lui, située dans les environs de Mar-