ôtait le goût de toute occupation, de toute distraction, et qui le fit maigrir si vite, que sa femme, après l’avoir vu pendant six mois consumé par ce mal, devint malade de douleur en voyant approcher les derniers moments de son mari.
Ils étaient assis un soir en silence, plongés dans de douloureuses réflexions dont ils voulaient s’épargner l’amertume l’un à l’autre en les taisant, lorsque le docteur Frenel, ancien camarade de classe du comte, et qui avait longtemps voyagé en Orient, entra dans la chambre. Les deux amis s’embrassèrent plutôt avec tristesse qu’avec joie ; ils étaient tous deux partis dans la vie avec les mêmes espérances, et le comte paraissait n’avoir plus que bien peu de temps à y rester. Frenel l’interrogea en connaisseur sur toutes les circonstances de sa maladie ; puis il se leva, et lui dit :
— Ami, vous êtes entre les mains d’une puissante magicienne qui mange les cœurs ; peut-être est-il encore possible de vous sauver.
Le comte avait bien entendu parler de douleurs qui rongent le cœur, mais jamais de magiciennes qui le mangeassent ; il pensa que son ami s’était imaginé quelque chose d’extraordinaire, d’autant plus que l’esprit du siècle ne portait pas à croire à la magie.