l’habit au mannequin ; il lui posa son chapeau comme il avait l’habitude de le mettre lui-même, et lui plaça entre les mains une couronne de grenades en fleurs qui se trouvait sur la table de Melück. Puis il prit le manteau rouge, et se mit à déclamer, en se tournant de temps en temps vers le mannequin, la dernière tirade de Phèdre, à la fin du quatrième acte, qui se termine par ces deux vers :
Détestables flatteurs ! présent le plus funeste
Que puisse faire aux rois la colère céleste.
À ces derniers mots, que le comte avait prononcés avec une admirable véhémence, le mannequin battit trois fois des mains très-distinctement, plaça la couronne sur la tête du comte stupéfait, et croisa ses bras sur sa poitrine comme quelqu’un qui, violemment ému, voudrait garder le maintien décent et froid d’un auditeur impartial. Le comte fut d’abord effrayé, mais il était assez habile dans l’art indispensable de dissimuler pour ne pas laisser paraître sa crainte ; il pensa que c’était une plaisanterie, et que Melück, au moyen d’un ressort, avait produit ce mouvement ; mais elle paraissait près de s’évanouir de terreur, et assura que jamais elle n’avait connu cette propriété extraordinaire du mannequin.