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à peine soupçonnée ; Vénus s’était emparée de lui. Il récita en lui-même des vers d’Horace, et je ne sais où cette érotique érudition l’aurait mené, s’il n’avait rencontré dans une glace sa tonsure et ses cheveux gris ; ce spectacle le glaça. Adrien amoureux, c’était un saint qui s’enivrerait le jour de sa mort.

Il s’étendit en soupirant sur le dur parquet, mais il ne put dormir, son imagination était en mouvement ; il aurait bien voulu se débarrasser de Bella, mais d’un autre côté il ne pouvait se résoudre à la repousser durement.

Le hasard conduisit ses yeux sur les vêtements d’un domestique qui, après avoir été longtemps à son service, s’était fait chasser pour ses mauvais tours ; ces habits lui parurent propres à faire sortir de la maison la jeune fille, sans qu’elle fût découverte.

Lorsque Bella se réveilla, elle se frotta les peux et demanda avec effroi où elle était ; Adrien la rassura. Il la pria de dire un Ave Maria, qu’elle lui récita avec dévotion ; puis il lui dit qu’il fallait patienter ; qu’il ne pouvait la mener à l’archiduc parce que cela était contre sa conscience, mais qu’il prendrait soin d’elle, si elle lui promettait le secret. Il lui dit alors qu’il avait eu un domestique habitant chez de pauvres parents, qui venait le matin et le soir pour s’informer