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— Non, répondit-il ; autrefois je t’aurais soutenue, je t’aurais retenue avant que tu ne déterrasses la mandragore ; mais sois heureuse, tu en es débarrassée. Tu es destinée à avoir un fils qui ramènera notre peuple au pays. Tu as encore beaucoup à souffrir. Sois hardie comme la rosée de la nuit, qui va au-devant du soleil et qui ne craint pas de le regarder en face pour qu’il l’attire à lui.

Après que cette apparition se fut dissipée, Bella se réveilla. Le soleil était sur son coucher ; elle put se relever facilement, et ne ressentait plus qu’une légère lassitude dans les membres. Elle se dirigea lentement vers la ville, et passa en soupirant devant la maison de campagne abandonnée qui avait protégé son enfance ; elle arriva enfin à la maison que trois jours auparavant elle avait quittée avec les plus douces espérances. Elle souleva tranquillement le marteau de la porte ; la servante vint ouvrir, et Bella lui sauta au cou ; mais cette fille la repoussa en lui disant qu’elle ne la connaissait pas.

Lorsque Bella se fut nommée, la servante poussa un cri, laissa tomber son flambeau, et courut vers ses maîtres, en leur criant de manière que Bella entendit :

— Jésus Maria, c’est une autre Bella !