Page:Achim von Arnim - Contes bizarres, Lévy frères, 1856.djvu/135

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Bella était naturellement trop prudente et trop fine pour ne pas s’apercevoir du danger que courait son amour et sa liberté ; les deux vieux se permettaient déjà d’insolentes privautés ; elle réfléchit pour trouver un moyen de s’échapper de cette maison ; mais quoi qu’elle pût imaginer, elle était trop bien surveillée, et on ne lui aurait permis sous aucun prétexte de sortir de la chambre.

Les deux vieux se passionnaient à mesure qu’ils buvaient ; ils parlaient de leurs exploits et commençaient à se quereller ; l’hôtesse craignait qu’ils ne tirassent leurs épées et ne cassassent ses bouteilles et ses verres, lorsqu’heureusement une bande de ces musiciens qui couraient autrefois les kermesses des Pays-Bas frappèrent à la fenêtre et demandèrent s’ils pouvaient entrer pour chanter ; la vieille les introduisit aussitôt. Les musiciens masqués, enveloppés dans de grands manteaux, regardèrent autour d’eux, et, voyant les deux vieillards si tendrement épris de la jeune fille, se mirent à chanter cette chanson sur le bonheur de la vieillesse qui peut encore aimer et être aimée :


Bon papa, suce l’ardeur de la jeunesse
Sur la fraîche rougeur de ces lèvres.
— Lorsqu’on mêle du miel avec du vin,