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de la solitude, de l’abandon ; il sait trouver alors des accents qui navrent, des mots qui résonnent douloureusement comme des cordes brisées, des périodes tombant comme des nappes de lierre sur des ruines ; il a aussi une tendresse particulière pour la vie errante et l’existence étrange des bohémiens. Ce peuple, au teint cuivré, aux yeux nostalgiques, Ahasverus des nations, qui, pour n’avoir point voulu laisser se reposer la sainte famille en Égypte, promène ses suites vagabondes à travers les civilisations en songeant toujours à la grande pyramide où elle rapporte ses rois morts.

Les Allemands reprochent au style d’Arnim de n’être point plastique ; mais qui a jamais pu sculpter les nuages et modeler les ombres ? La vie d’un écrivain si singulier devrait être singulière ; il n’en est rien. La biographie, malgré sa bonne volonté d’être bavarde, n’a pu réunir sur d’Arnim que les lignes suivantes…

Il naquit à Berlin le 26 janvier 1781. — Étudia à Göttingue les sciences naturelles, et fut reçu docteur en médecine, profession qu’il n’exerça jamais. Après avoir longtemps parcouru l’Allemagne, voyage où il recueillit les éléments du charmant recueil intitulé : L’enfant au cor enchanté, il épousa Bettina Brentano, la sœur de son ami Clément Brentano. Pendant la période malheureuse pour l’Allemagne qui s’écoula entre les années 1806 et 1813, Arnim s’occupa de réveiller le patriotisme de ses concitoyens. La guerre finie, il se retira dans sa terre de Wiepersdorf, près de Dahme, où il mourut d’une attaque d’apoplexie foudroyante, le 3 janvier 1834.


Théophile Gautier.