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PARTENZA…

J’en ai peur. J’ai peur du néant dans lequel, bientôt, vont s’effronder les visions exquises qui charment mes yeux en ce moment, emplissent mon cœur de chansons et me donnent autant l’envie d’être joyeux à la vue de la gaieté débordant de toutes parts, que d’être triste à la pensée qu’un jour très proche ce sera la disparition de tout cela en quelque gouffre noir, sous la cendre finale…


Voilà que Rome s’éloigne, maintenant, et que nous nous enfonçons dans sa campagne âpre et dénudée. Détachées sur le fond resplendissant de verdure des Apennins, les ruines d’un aqueduc, l’Aqua Felice, élèvent leurs nobles arceaux, courant l’un après l’autre sur l’herbe rare et pâle qui recouvre la terre, la terre, morne voûte sur le dédale des catacombes et sur les tombeaux qui la traversent en tout sens. Quelques fûts de colonnes et de vagues débris, ici et là, érigent dans l’air leurs pierres effritées sur lesquelles demeure la majesté des splendeurs de jadis. Des cyprès de loin en loin tachent, piqués comme des fantômes noirs, la clarté du plein midi ; et presque au ras de la terre brûlée flottent les brouillards inquiétants qui charrient la mal’aria

Et notre locomotive laisse tomber de gros flocons de fumée blanche qui s’attarde sur cette terre sacrée, comme pour la caresser, et atténuer le sacrilège de notre moderne civilisation qui va, roulant sa force brutale sur les souvenirs gigantesques, sur les reliques des vaillants et des grands d’autrefois…