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PARTENZA…

minos qui dissimulent chacun, non pas un visage, mais l’âme frôle et menue d’un être éphémère dont les couleurs à peine écloses blêmissent et s’effacent : une fleur. Ici, des œillets de toute beauté, du blanc neigeux, et combien parfumés ! au rouge noir sans arôme, mais veloutés et caressants et lascifs, presque, dans l’étalage troublant de leur chair ; là, les narcisses et les anémones, les mimosas aux menues prunelles d’or, veloutées aussi…

Le soir, après les féeries de Vallauris et du golfe Juan, les yeux se reposent ; ce ne sont plus des gouffres de lumière implacable, des averses de feu sur les vergers tranquilles ponctués des boules rondes et luisantes des orangers, c’est un abîme de douceur, au bord de la mer, un ronron caressant de vagues mourantes ocellées, sur leurs crêtes blanches, de paillettes aux clartés d’acier. Tout est paisible, calme ; et l’âme éprise se laisse éperdument bercer, rêveuse, au rythme presque silencieux de la belle nuit qui commence. La lune apparaît, blanche entre les feuillages bleus et immobiles des eucalyptus ; elle apparaît comme une souveraine, et l’on dirait qu’à son approche le monde entier s’est tu, s’endort, qu’on l’entend respirer, et que son haleine monte, très doucement, s’étendre comme un voile sur toutes choses…