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PARTENZA…

tout cas, beaucoup moins que ses voisines les murailles banales de l’esplanade, écorchées par la tempête et soutenant avec peine les hauts chemins dominant la Joliette ; elles sont prêtes à crouler sous la poussée des terres, et laissent pendre, secouées par le mistral, les minces chevelures de plantes sauvages dont la délicatesse jette une envolée de poésie sur ces délabrements.

Des ruelles inextricables, enchevêtrées de constructions branlantes, penchées, étayées, forment un côté de ce vieux quartier de Marseille, dont l’autre débouche sur le quai du port en rues étroites, escarpées, étranglées entre de hautes maisons ; c’est un commencement des taudis italiens, où grouille un peuple audacieusement mélangé de toutes les races du monde arrêtées contre cette formidable pierre d’achoppement, Marseille, où viennent échouer tant d’errants et de vagabonds de tous les continents.

Devant nous passe un triste ménage de Levantins, Égyptiens ou Turcs ; ils ont fui, pourquoi ? leurs palmiers et leurs minarets du Caire, de Damas ou de Salonique, et les douces mélopées des muezzins ; ils viennent de débarquer il y a peu d’instants, et traînent, vers quel bouge ? sur un misérable véhicule, leur mobilier navrant. Transis, les fils suivent, à peine vêtus, des fez crasseux posés sur les boucles brunes de leurs cheveux. Ils sont trois, de sept à onze ans ; pauvres gamins ! ils iront se joindre demain au grand troupeau des gavroches marseillais, petits coureurs, petits cireurs qui portent dans leurs clairs regards toutes les