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PARTENZA…

lointaine et ineffaçable, le lointain souvenir des chants dont je tressaille encore… Était-ce de la Sixtine ou de la Julienne, était-ce de l’une de ces chapelles, dont les voix ont conservé des traditions qui ne se retrouvent plus nulle autre part, capables d’exprimer, jusqu’à en meurtrir non seulement l’âme mais la chair, toutes les transes joyeuses dont peut vibrer un être, les transes adoratrices, les splendeurs des triomphes, les transports d’une ivresse mystique, les arrachements supra-terrestres des extases, les lentes et savantes et toutes proches et retardées et venues enfin pâmoisons d’amour) Je ne sais… Je me souviens seulement d’un après-midi de novembre, tiède ici, dans la basilique ; la lumière allait mourir tôt et griffait, avant la fin suprême, griffait avec ses griffes d’or l’or des orfèvreries, l’or des chapes lourdes sur les épaules de vingt cardinaux, de quarante évêques, l’or de soixante triangles de gemmes sur soixante visages immobiles. Le jour dorait les fils d argent des barbes soyeuses des Patriarches orientaux et des évêques missionnaires, il chauffait encore un peu la braise des yeux somnolents sous les fronts des prélats écrasés de joailleries. L’autel était un brasier ; l’incendie des cierges se mêlait en une flamme unique aux incendies des murailles et des rétables d’or. Et partout s’élevaient les intenses fumées d’aromates en fusion sur les charbons des cassolettes balancées par les thuriféraires en robes rouges et violettes, les thuriféraires jolis et graves comme un chœur de Chérubins. Les chaînettes d’or bruissaient contre eux, sur la blancheur des