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PARTENZA…

Sur les tables boiteuses roulent, glissent, s’éventrent et coulent des fruits : tomates sanglantes trop mûres, oranges dont l’or disparaît sous des taches de moisissures grises et molles, coquillages, poissons, viandes sanguinolentes, ferrailles, vêtements, loques souillées au contact de ces choses gluantes !… Et ces gens pressés l’un contre l’autre, défaits, misérables, terreux, vivent au milieu de cela, vivent de cela, sordides, pauvres, — oh ! si pauvres et si pitoyables ! — entre ces maisons, remparts élevés contre la lumière, dans ces bouges écœurants où tout est noir, où tout sent l’humidité, la maladie, la peine, tout ce qui est hideux, tout ce qui fait frémir et frissonner… Le long des murs végètent des crasses, et les porosités des pierres suent des larmes !

J’ai entendu rire dans ces ruelles !

Ils sont dix mille dans un seul de ces îlots de maisons, dix mille, depuis les rez-de-chaussée lugubres jusqu’aux gargouilles, en l’air.

À deux pas, le ciel est d’une insolente beauté ; dans l’azur, le soleil trop éclatant laisse perdre sur la mer le trop-plein de ses ruissellements prodigieux, les vivifiantes fantasmagories de sa gaieté, de ses ors et de ses lumières…


Même ces misères n’atteignent pas le prestige de Naples ; elle reste la ville rose et blanche et vermeille, enivrante de beau soleil. Elle est immense et semble cependant ramassée dans la joie de vivre. Elle peine, mais sa peine est voulue presque. C’est une ville de