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PARTENZA…

cette joie ne sera déjà plus que souvenirs. Je ne verrai plus rien. Naples continuera de s’épanouir au fond de son golfe sans que je sois là pour la voir et l’aimer…

J’ai le cœur serré en traversant les ruelles charmantes auxquelles je m’étais habitué déjà ; j’en connaissais les étalages menus, les boutiques, les coins pittoresques, telle petite marchande de fleurs devant qui je passais plusieurs fois dans le jour, tel joli gosse, rôdeur dont l’empressement inquiète.

Près de la place des Martyrs, dans un renfoncement de vieilles maisons, est une église où j’entrais souvent, où j’entre encore pour revoir les saints vêtus de tuniques raides de dorures, les madones aux accoutrements un peu sauvages, tellement bariolés ! enveloppées de dentelles et coiffées, sur leurs vrais cheveux bruns et bouclés, de lourdes couronnes de perles fausses, derrière les grandes glaces, sur les autels beaucoup trop éclaboussés de clinquant et de métal doré. Devant l’église vont et viennent toujours des mômes vendeuses de fleurs ; une fontaine est là aussi, qui rafraîchit leurs bouquets, inonde les dalles et répand un peu d’humidité dans l’air. J’achète, pour les yeux clairs d’une effrontée marchande belle comme l’amour, un peu de giroflée, fleur commune dont j’aime la robustesse, l’odeur et la robe de bure striée d’or, un peu de violettes de Parme et des fleurs d’oranger ; aussitôt toutes les gamines qui barbotaient à la fontaine se précipitent vers moi, tous les gamins aussi, dont l’éventaire se compose, dans leur main