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PARTENZA…

La route commence à gravir les premières coulées de lave très anciennes déjà, puisque toute une ville est bâtie dessus et déploie, hélas ! sans cesse la même abjection. Et c’est bien une voie douloureuse que nous parcourons là, jusqu’à la dernière maison, jusqu’à la dernière branche d’arbre, tant qu’il reste une poignée de terre entre des laves, où peut prendre pied, naître et s’épanouir, noire sous un tel soleil, le soleil de Naples ! la Misère…

Des gamins effrontés courent, pieds nus, aux côtés de notre voiture ; tous sont jolis ; l’un d’eux a de grands yeux ardents, encore plus beaux que les autres ; des couleurs de pleine santé, par exception, jouent dans le bronze clair de sa petite figure ; ses traits sont assez réguliers, et des cils extrêmement longs et noirs tombent sur ses yeux en vérité merveilleux ; et le petit drôle lance, d’une voix nasillarde, les mots très doux de sa chanson ; il fait des cabrioles, des soleils sur ses petits poignets et ses petits pieds très sales, et comme il veut une récompense à tant de peine, il ne tend pas la main, il lève l’index, le plie et le redresse pour appeler le gros sou attendu avec impatience et qu’il s’évertue à mériter par de nouvelles chansons et des culbutes inédites ; et ses regards se font si gentiment suppliants, ils mentent si gentiment en affirmant qu’il est fatigué, très fatigué, tandis que rient ses lèvres rouges, que nous ne voulons pas l’éprouver davantage ; nous le gâtons de chocolat très fin emporté à tout hasard, et nous y joignons aussi des sous ; il met le chocolat dans sa poche, dédaigneux, et se sauve