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LUC

loge… Et, dissimulé par le paravent, Lucet rit nerveusement en prononçant ces mots : Ma loge… Un brin de fierté et de cabotinisme se mêle à la musique de ses paroles ; il s’inquiète de ce costume, de ces costumes peut-être, qu’il lui faudra revêtir chaque soir avant de paraître en scène. Il ne sera pas très différent, cet habillage, de celui qu’il achève là parmi les coussins de soies précieuses, les étoffes barbares, les fourrures opulentes jetées sur les larges divans de l’atelier où chatoient leurs couleurs et se lustrent leurs ondes soyeuses. Dans la magie de ces tissus et de ces pelleteries rares, Luc Aubry s’offre, nu et splendide Daphnis, à la profonde admiration de Julien.

C’est la dernière de ces longues séances multipliées à plaisir dans l’atmosphère complaisante de l’atelier. Lucet sera pris désormais par ses répétitions, et, d’autre part, l’œuvre de Julien Bréard est en état de figurer au Salon. Les dernières touches se posent sur l’étude savante du corps adolescent de Lucet répété en une fraîcheur de tons délicieuse. C’est l’éphèbe antique joueur de flûte ; mais c’est aussi, dans l’éclat de cette chair si pâle, dans la grâce de ces gestes et le sortilège prenant de ces yeux, dans la magie de cette bouche fleurie et savoureuse, c’est Luc Aubry, la réalité un peu maladive, l’état d’âme du Parisien sous les contours enchanteurs et la virilité inquiète de Daphnis. Daphnis est achevé auprès de Chloé. Leurs jeunes chairs d’un souple modelé se confondent par l’éclat et la douceur sous la moite caresse d’un soleil couchant tamisée par le feuillage des osiers et des saules et qui ourle d’une gloire vermeille tout un côté de la pâle silhouette abandonnée aux mains acti-