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LUC

vaient en spirales croisées des courroies qu’il fixa haut sur la jambe tiède, où naissent et s’évasent les courbes élégantes du mollet. Quand le second pied fut ainsi captif en les entrelacs des courroies et les anneaux de métal, l’adolescent se leva, blanc dans sa chair pâle à peine meurtrie sous quelques liens de cuir.

Pendant que Luc tenait sa pose dans le somptueux atelier de Julien Bréard, celui-ci, par les exigences mêmes de son art, était contraint de détailler avec un soin minutieux cette jeune nudité à lui révélée dans son éclat total. Il s’efforçait de maîtriser le trouble et l’ardente admiration que suscitait ce corps d’éphèbe offert à ses inquisitions sans arrière-pensée.

Certes, jamais aucun des modèles réputés de l’Ecole des Beaux-Arts n’avait exercé sur lui ce pouvoir. Les femmes, rarement accomplies, toujours par quelque tare dépréciaient l’ensemble de leur beauté. Les jeunes hommes râblés et robustes, aux membres d’un séduisant équilibre de proportions, compromettaient irrémédiablement leur grâce par une décourageante grossièreté d’allures maintes fois partagée du reste avec les femmes. Même il arrivait que le moins imparfait de ces modèles n’éveillait aucun enthousiasme et restait une chose inerte, banale, à la portée de qui la désire.

Le travail suivi sur leur beauté vénale était calme. Aucune communion n’était possible entre eux et l’artiste contraint de les détailler sans plus de joie qu’un beau moulage ou qu’un superbe animal ; ils n’avaient pas, ces modèles, l’âme brûlante qui avive sa flamme au foyer splendide d’un jeune corps.