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LUC

était d’une telle franchise et d’une telle droiture que Lucet même ne s’étonna pas de ce qu’il voyait faire couramment autour du jeune peintre. Julien déplorait souvent devant lui l’inaptitude de ces maudits petits Italiens bronzés et sales à lui offrir ce qu’il souhaitait d’un Daphnis imaginé, un peu à l’encontre de Longus, brun mais avec toute sa chair ambrée et claire sous la diaphanéité d’un épiderme qui eût laissé transparaître aussi par tout le corps le réseau estompé des veines bleues telles qu’en montraient les mains fines et les tempes fragiles de Lucet.

Lucet accepta.


Ce fut un émerveillement quand, dans la tiédeur et la solitude engageantes de l’atelier, l’éphèbe sortit nu, statue d’ivoire poli, d’entre les feuillets d’un paravent en velours de Venise. Une lanière de peau de chèvre cachait à peine ses reins éblouissants, contournait la nacre mouvante et satinée de ses hanches et découvrait, jusqu’où l’ombre de la puberté s’accuse, la matité lisse de son ventre plat, la vigueur délicate et les rondeurs unies de ses cuisses.

Le grand jour de l’atelier faisait lumineusement pâle l’irradiation de ce jeune corps robuste et clair sur le fond écarlate des tentures anciennes. Le temps avait amorti les couleurs vives de celles-ci, le même temps qui, d’une patine charmante, avait fleuri la silhouette diaphanéisée de Luc. Parmi l’or vieilli des cadres, des fleurs énormes, roses, pivoines, arums d’albâtre au rigide phallus ouvraient autour de lui leurs corolles grasses et vivantes, blêmes ou rosées, moins parfaites dans la souple fermeté et la magni-