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LUC

qui, en outre, eût outragé son grand ami. Il n’e’tait pas nécessaire qu’on fit allusion sans cesse aux puériles fiançailles de Julien et de Nine, chacun savait autour d’eux que leur inclination profonde répondait aux lointains accords conclus entre les parents dès la naissance presque de Jeannine.

L’attachement sincère de la jeune fille et la sollicitude inlassable de Julien, l’incessante communion de leurs âmes comblait la plénitude de ses désirs raisonnables.. Même l’affection de Julien eût été au delà, si rien du grand ami pouvait être pour Luc un superflu. Il ressentait, en retour, une amitié sans bornes pour ce jeune homme dont l’attitude courtoise et enjouée — et comme résignée — semblait lui révéler déjà ce mieux qui troublait parfois exquisément son âme adolescente.

Mais Luc ne dédaignait pas l’exagération d’un sentiment si près de meurtrir son amour-propre en le flattant avec excès. Il aimait l’inquiétude et le charme indécis de cet enfantillage amoureux.


Un jour que Luc était venu s’entretenir de coulisses, de littérature et d’art, comme il avait coutume de le faire, dans l’atelier de Julien, avenue de Villiers, celui-ci qui depuis longtemps, par curiosité d’artiste, rêvait d’un Lucet sans voiles, dans la nudité que ses yeux épris des belles formes devinaient souverainement parfaite et rayonnante — l’invita, avec une discrétion dont la déférente insistance et la noblesse du mobile firent fléchir la résistance de Lucet, à se déshabiller pour lui poser un Daphnis.

L’intimité des deux jeunes gens depuis des années