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LUC

regretter de n’être pas un corps ; — sur le corps, de telle sorte que celui-ci déplore la complexion des affinités qui l’attirent vers la matière, la douce matière aux formes poignantes desquelles pourtant ne se veut pas déshabituer le rêve…

Et Nine elle-même, mieux que jeune fille déjà, svelte et jolie comme Luc dont, instinctivement, elle s’assimilait la vivacité élégante et l’indépendance gracieuse et jusqu’à l’intonation de certains mots, de certaines phrases affectionnées de Lucet — Nine quintessenciait en elle tous les épanouissements de cette jeunesse adorable qui déborde en la pâleur élégante, en le trouble et l’affectueuse douceur de Luc… Mais elle du moins était la Possible et la Promise, celle qui sera l’Épouse, celle en qui Julien voulait concentrer toutes ses attentions, tous ses espoirs, tant elle se montrait, simple et bonne, si différente des autres, femelles ignares et prétentieuses, courtisanes honteuses masquées de prudes allures… Julien concentrait en elle tous ses espoirs — il ne sentait pas se pencher vers Lucet, peu à peu, son cœur vacillant ; et son âme se livrait, en un vertige impondérable encore, à l’irrésistible emprise de sa beauté charmante…

Pris entre ces deux êtres dont les pensées constantes dégageaient autour de lui comme une atmosphère d’amour, Luc ne se hâtait pas d’aimer. Il savait Nine d’un monde étranger au sien par sa fortune, son origine même — petite fille d’un Villonest — et son éducation raffinée. Et pourtant c’est elle seule qu’il eût préférée à toute autre s’il n’avait craint de blesser la jeune fille en laissant paraître l’affection naissante