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LUC

où il se tenait un peu distant de Nine l’imprécise floraison de choses qui se fussent — ramilles fleuries de désirs, dorées de soleil et vertes d’espoirs — enlacées autour de la jeune fille, penchées sur son front, sur ses yeux de douce franchise qui lui donnait une allure de jeune garçon libre sans contrainte, camarade presque. Oh ! que Lucet l’eût souhaitée cette camaraderie promise par mille paroles espiègles et d’une liberté plaisante de laisser aller comme aussi d’exquise retenue !

Et Mme Marcelot connaissant Luc presque autant que Julien et que Nine, ménageait sans crainte aux trois enfants, — elle disait encore « enfants » mais l’une avait près de seize ans, l’autre vingt-cinq et le troisième tantôt dix-sept — les joies de ces rencontres du soir autour du thé servi par Jeannine avec cette vivacité un peu garçonnière et très ouverte dont la placide loyauté tranquillisait sa mère. Sa mère voulait choyer autant que Julien lui-même le grand jeune homme que devenait Luc Aubry, et Luc se laissait chérir de tous comme il aimait, avec tout son cœur, avec toute la subtile énergie de ses pensées complexes promptes à deviner, à raisonner, à comprendre les plus fluides délicatesses.

Le son d’un instrument ou d’une voix, les nuances des fleurs ou des étoffes, l’intensité de la lumière sous les vibrations bleues et dorées tendues à travers le ciel, le charmaient et le retenaient à l’égal d’un tableau, profond miroir où se reflètent les sensations aiguës du peintre ; à l’égal d’une statue dont le rythme fait admirer les beaux membres qui le cadencent ; à l’égal des poèmes exaltant son intelligence en