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LUC

brrre… brrri… brrro… brrru… crrra… crrre… crrri… crrro… crrru… drrra… drrre… drrri… drrro… drrru… L’élève reniflait par intervalles, ronflait, expectorait ; et les gargarismes se poursuivaient ainsi, cependant que Rolant s’excusait pour « aller faire de l’eau » dans le jardin et rentrait invariablement sans avoir reboutonné sa culotte. Il s’asseyait sur le fauteuil éventré ; sa panse énorme comprimée entre sa ceinture s’avançait sur ses grosses cuisses en pesant de toutes ses forces ; et les paris s’ouvraient des filles aux jeunes hommes, sur l’imminence de la sortie… C’était la joie de ces soirs mélancoliques où la misère blafarde tombait des murailles et du plafond, des oripeaux décolorés et du lustre fumeux sur les jeunes gens qu’une folle imprévoyance plus qu’une irrésistible vocation poussait vers le théâtre. Joie un peu sale et sournoise, triste aussi, et contenant déjà tout le débraillé de l’envers du théâtre, toute la promiscuité malsaine et lamentable des loges et des coulisses.

Il y avait auprès de Luc Aubry de petits cabotins dont la fatuité surnageait sur le visage glabre, comme une mauvaise huile sur une eau croupie.

Il y avait de petites pécores venues pour compléter une science native de comédienne avec l’intention de s’appliquer surtout au casuel de leur prochain métier. Les mères (?) de ces pécores soupesaient d’avance les profits de ces chiffons aigrelets. Les poches de leurs yeux maternels contenaient du fiel à destination des petits jeunes gens de gauche assez hardis pour jeter leurs regards sur ces pimbêches utilement gardées, — mais ce fiel se faisait miel quand, en sortant du cours,