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LUC

thie du nouveau venu. Il parut à Luc plus robuste, certes, dans son habit noir impeccable, mais à peine plus âgé que l’externe de Condorcet disparu au tournant du massif ennuagé de fleurs pâles au seuil doré du Parc Monceau. Et Lucet devina que celui-là allait être son ami…

Tandis que, de ses lèvres roses, l’enfant commençait avec une exquise simplicité, la Romance de Benjamin choisie par Déah dans le Joseph de Méhul, la clarté chaude et poudrée d’or du salon l’enveloppait de beauté. Cette beauté se dispersait jusque sur les personnages attentifs autour de lui. Elle venait du rayonnement des esprits, de la splendeur des choses, de la pureté des fleurs vivantes et raides en des vases précieux, des parfums, des lourdes tapisseries pourprées, de l’heure calme et reposante, et des yeux… Des yeux abîmés dans le rêve, liant les charmes du présent aux songes écoulés, aux espoirs caressés de joies proches ou lointaines… Et des formes se soulevaient, lentes, tôt effacées, qui renaissaient et se mouvaient… Déah voyait flamber des lustres et des rampes ; des foules peuplaient les pupilles dilatées de ses yeux doux et félins ; et la musique, la voix insexuée du petit chanteur portaient en elle, vers elle, le crépitement effacé des bravos, le murmure atténué des acclamations infinies… Le peintre et le sculpteur erraient dans l’au-delà, glissant vers les espaces inexplorés où des beautés inconnues s’épanouissent encore, que n’ont point arrachées à leurs demeures inviolées la glaise complaisante et le pinceau rapide. Le poète, grisé d’arômes et de rythmes, scandait le songe de son front absorbé, ignorant si l’emprise qui le tenait