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possibilité d’une liaison affectueuse et mieux que fraternelle. Tous ces jeunes hommes enlizaient leurs facultés de sentir, d’aimer, gâchaient leur sensibilité, étouffaient les cris de leurs purs désirs et noyaient leurs hautes aspirations dans la farce, dans la Farce bourgeoise éternellement stupide et stérile.

Il avait, là, cherché un « Jean Dorsner » capable de supporter avec lui les coups chéris de cette lutte ardente pour la Beauté, le Jean Dorsner de ce livre d’inflexible Justice, de Pitié douloureuse et de noble Enthousiasme qu’est « l’Atelier Chantorel[1] ». Julien gardait ce livre à son chevet, comme un prêtre son bréviaire. À force de le lire il pouvait s’en répéter une à une les pages véhémentes dans le calme des mots que la sécheresse égoïste ou le viol des droits imprescriptibles du grand Art seuls exaspèrent…

Julien n’avait pas eu la chance dé croiser sur son chemin un tel Ami que poursuivait son imagination lasse de solitude, celui qui marche les pas dans les pas ; jeune avec votre jeunesse et jeune encore au tournant de la route longue où les chiffres inexorables des années marquent les dernières étapes.

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Déah ne se dérangea pas. Elle présenta d’un mouvement lent des lèvres et des paupières Luc Aubry au jeune peintre. Julien offrit sa main déliée. Lucet la prit et sentit, sur son épiderme fin, le doux effleurement de l’étreinte ; dans ses yeux le perçant et rapide regard qui, malgré lui, trahit toute la sympa-

  1. Frantz Jourdain. — L’Atelier Chantorel.