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LUC

nesse du jour à peine vêtu des mousselines légères de l’aurore. De loin il fit encore des signes aux deux autres arrêtés au coin de l’avenue Percier ; ils paraissaient être « de mèche »…

La fine silhouette du lycéen franchit les grilles d’or du parc Monceau et s’effaça au tournant d’une allée dans une albescente floraison d’aubépines.

Comme Luc Aubry pénétrait rue Murillo, la cloche des carmélites de l’avenue de Messine jeta dans l’air embaumé les perles légères d’un fragile Angelus. Son cœur se serra et revint de la joie ressentie en suivant le bel externe de Condorcet aux tristesses de ce cloître dont les murs se pressent sur d’irrémédiables grisailles et n’entendent, hors cet Angelus libéré des barrières claustrales, que lentes psalmodies d’une monotonie décevante.

Le jour faiblissant baignait de douce lumière les façades des hôtels ; et les briques roses, les pierres blanches refouillées, les balustres de fer doré, les grandes baies voilées de fines guipures sous les glaces, les lustres aperçus lourds de cristaux ou de bronze ciselé, tout chantait l’intangible opulence et la joie de vivre, cependant que la cloche épandait dans l’or du jour épuisé la mélancolie de sa prière, le glas des vanités et des mensonges sur la vanité et le mensonge des riches demeures où les ors inutiles, les guipures, les tapisseries somptueuses un jour seront impuissants à conjurer la mort…

Et l’âme puérile de Luc, sans se les avouer, contenait toutes ces choses ; et son âme était douce car la souffrance et la beauté la pénétraient de toutes leurs forces vives…