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LUC

Avec l’amour !! Comme une année les avait changés tous deux ! Ah ! certes, Jeannine jamais n’avait contemplé avec cette foi et cet espoir en un au-delà inconnu et délicieux aucun enfant, aucune personne autour d’elle, aucune ! Il lui parut comme un dieu, le petit Luc, et son nom révélé doublait la joie de le revoir. Elle détaillait avec son précoce savoir et sa curiosité de femme, l’adolescent dont la vue donnait la fièvre à son cœur. Il avait, pour chanter en matinée, un simple costume de ville : pantalon et veston de couleur très foncée, presque noirs ; le veston ouvert sur un gilet blanc coupé d’une mince chaînette d’or ; un col un peu haut et retombant sur lui-même laissait échapper le nœud serré d’une « régate » épinglée d’une perle menue. Les bottines vernies donnaient seules la note cérémonieuse à cette tenue.

Ses yeux, ses grands beaux yeux profonds et doux attiraient la sympathie, gemmes d’eau verte dans l’ombre bleutée des orbes sous la caresse lente des sourcils. Sa bouche ardente et fraîche tout ensemble laissait comme du miel s’en aller en chansons entre les pâles essaims des dents ; et sa gorge était de roses épuisées dans l’échancrure étroite et la haute blancheur du col.

Il chantait. Les notes unies du hautbois, du violon et de la harpe soulignaient la limpidité de sa voix. La méthode savante de son chant comblait de jeune gravité la puérilité de son adolescence et le faisait homme à demi. Il eût été viril tout à fait si la gracilité ravissante de sa voix n’eût dénoncé l’élan encore incomplet de sa chair vers la puberté.

Le tonnerre d’applaudissements qui avait salué

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