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LUC

d’un Leconte de l’Isle ou d’un Niedermeyer, d’un Verlaine ou d’un César Franck.

Un tout petit nom parmi tant de noms célèbres étonnait : — Luc Aubry, soprano solo de la Maîtrise de la Sainte-Trinité. — Ainsi s’exprimait le programme. Luc Aubry était vraisemblablement le petit chanteur qui depuis six mois aurait dû tenir sous le charme de sa voix tous les fidèles de la paroisse, si l’indifférence dévote n’avait laissé passer la grâce neuve et fraîche de cette voix qui, dans un théâtre, eût conquis d’emblée les suffrages des snobs peu avertis cependant de la beauté quelle qu’elle soit. Imbéciles à la remorque d’un engouement, valets de la mode, ne répondant qu’au coup de gong de la réclame. Las ! faut-il en dire autant, pour une toute autre cause, des âmes candides et béates incapables de rehausser du prestige de penser la vaillance de croire ; rivées aux formules incomprises, inaptes à faire d’une beauté leur prière, quand même, à cette prière, devrait se mêler le frisson profane de la chair !

Jeannine et Mme  Marcelot, et quelques autres encore, avaient compris la surhumanité de cette voix. Leur curiosité reçut une satisfaction partielle en apprenant le nom du petit prodige. On parlait de lui, mais comme d’une chose. La voix semblait aussi admirable mais pas plus personnelle que les languides harmonies de l’orgue auxquelles elle se mêlait. On n’imaginait pas sur cette voix charmante une forme. Même aucun sexe ne se précisait à l’esprit si l’on s’interrogeait sur ce que pouvait être, là-haut, suspendu entre les voûtes et le sanctuaire, l’anonyme au gosier vibrant de si pures mélodies ; fille ou gar-