Page:Achille Essebac - Luc.djvu/290

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
280
LUC

soudaine, ne sait rien. Aussitôt arrivé le prêtre se précipite dans les bras de Lucet et Lucet reconnaît le vieux vicaire, l’abbé Vincent, celui qu’il faisait damner en distribuant le pain bénit… le pain bénit à Nine !… Et Luc dont la pauvre âme se fond de tristesse et dont le pauvre corps énervé ne sait plus résister aux secousses, serre contre lui le vieillard qu’il avait oublié — auquel il n’avait pas pensé ! — en qui revivent la fraîcheur et les gamineries, les printemps de l’enfant de chœur en robe de pourpre, en rochet de dentelles… le pain bénit, les processions, le grand orgue, la première communion, les gronderies douces de Mme  Marcelot, Nine, Nine petite fille… oh ! Jeannine…

Edouard les laisse seuls…

Après un moment, le prêtre sort, prend son chapeau… De grosses larmes perlent à ses yeux, ses bons yeux affaiblis qui, de la douceur d’aimer, n’ont jamais connu que l’amertume et la tristesse des regrets ! Sort Lucet… c’est son Lucet aussi à lui ; le Lucet des images où les saints et les saintes ont de belles robes étoilées et pailletées d’or, les belles images que cueillaient les pâles mains fines de Luc, pâles dans les larges manches de la soutanelle rouge recouverte de guipure !… Le vieux prêtre pleure comme un enfant. Les vieillards ont de ces larmes pitoyables et désolées !… Son Luc empoisonné ! est-ce possible, oh ! mon Dieu ! est-ce possible ?

Il monte vite, vite avenue de Villiers, à pied… Il est las, mais ses vieilles jambes retrouvent leur élasticité. On lui a dit de prendre une voiture ; pauvre, il ne sait pas ce que c’est. Il va, à pied, accomplir la mission